25 nov. 2012

Taganga, que m...a !

Après un mois de vadrouille heureuse en Colombie (un mois c’est bien peu d’après mes standards de voyage, et pour tout ce qu’il y a à voir dans ce beau pays), et deux heures de bus depuis Riohacha, j’arrive à l’heure la plus chaude à Santa Marta, d’où je prends un minibus local vers Taganga.




Santa Marta est une des grandes villes de la Colombie, sur la côte caribéenne, et Taganga est un petit village juste à côté, derrière un petit bout de montagne et au fond d’une baie. C’est même officieusement considéré comme un quartier de Santa Marta tellement c’est proche.
Santa Marta est la ville coloniale la plus ancienne de Colombie, puisque les Espagnols commencèrent ici même leur invasion. C’est une ville hautement touristique surtout pour ses environs. Et Taganga a développé son propre créneau de petit village « exotique » (j’insiste sur les guillemets).

Pourquoi je vais à Taganga ? Parce que je suis en contact depuis le mois de juin (à peine rentré de mes seize mois argentins-chiliens-boliviens) avec la propriétaire française d’un petit hôtel et d’un hostal* à Taganga. Elle cherche un co-associé qui officierait aussi comme manager d’une de ces deux structures. Après de nombreux échanges par email, elle me propose d’être manager pendant un an, le temps de me faire une idée du business et d’être sûr que je suis prêt à m’installer à long terme à Taganga. Je n’imagine pas encore à quel point ce second point est important.
*Hostal est le mot espagnol pour auberge de jeunesse, hostel est le mot anglais. Et c’est surtout un concept plus moderne que la notion vieillotte d’auberge de jeunesse.

Après avoir traversé un quartier terriblement crasseux et miséreux, comme j’en ai rarement vu malgré mes 22 mois de vadrouille latino à l’actif, le mini-bus grimpe la petite montagne, passe le petit col, et je découvre le village de Taganga niché au fond de l’étroite, profonde et verdoyante baie. Au premier coup d’œil un petit paradis. Descendu du bus, je marche vers l’hôtel, et je peux difficilement éviter de voir les rues en terre littéralement défoncées et pleines d’ordures. Ce que j’avais commencé à discerner, malgré la beauté fulgurante du centre de Carthagène, paraît exacerbé à Taganga : la côte caribéenne de la Colombie est différente du reste du pays. Plus pauvre, plus laxiste, plus touchée par les maux habituels de l’Amérique Latine dont la corruption. Le contraste est particulièrement fort avec Medellin, connue pour l’efficacité et l’énergie de sa population malgré son historique de violence.



Les maux de la côte sont frappants à Taganga : les rues sont dans un état sidérant, les maisons reflètent la pauvreté, les habitants respirent le laxisme et le total manque de volonté d’améliorer quoique ce soit. Des allures de bidonville dont la population s’accommode apparemment bien, avec quelques ilots de confort que sont les hostals. Taganga n’a pas été créée par le tourisme, c’est un village de pêcheurs qui a en quelque sorte été pris par surprise par le développement touristique. 

Aujourd’hui les pêcheurs sont toujours là, envahis par les jeunes backpackers venus profiter de la plongée pas chère, de l’ambiance de fête, et de la drogue présente à profusion. Conséquence, une ambiance malsaine et même de l’insécurité la nuit, alors que c’est un village et que tous les locaux se connaissent ! Le soir je ne peux descendre de l’hostal à la plage que par une rue, par les autres j’ai un risque certain d’être attaqué. Par un ou des types que tous les locaux connaissent mais protègent. Peut-être par esprit de corps contre ces jeunes occidentaux fêtards, désinvoltes et friqués. A ce que j’ai entendu il y a une certaine jalousie, compréhensible, vis-à-vis de ces jeunes gringos, mais aussi le sentiment que ce n’est pas bien grave de les dépouiller, vu leur comportement et leur richesse (relative).

La première semaine que je passe est bien peu active, entre repos forcé à cause de mon ongle arraché, et conversations multiples mais stériles avec la personne la plus névrosée que j’aie jamais rencontré, qui commence une phrase sur un sujet et la termine sur un autre sujet, n’écoute pas grand-chose de ce que je lui dis, et ne répond pas aux questions que je lui pose même quand je la pose 3 fois en 10 secondes. Qui trépigne sur place quand elle répond à la question banale d’un client, se prend la tête dans les mains et répète : « Je dois parler moins et me concentrer, me mettre au travail. » (tout en trépignant et en imprégnant les gens de son stress, sans raison immédiatement apparente). Malgré cela on progresse vaguement vers l’idée d’une collaboration, dont je me demande si c’est vraiment une bonne idée, mais sans jamais régler aucune question concrète importante puisque chaque moment passé à discuter échoue systématiquement et lamentablement dans une profusion de sujets peu importants. Je me balade un peu dans Taganga, essayant de me projeter dans une vie ici, ne serait-ce que pour un an.

La deuxième semaine est plus active, l’orteil ayant enfin cicatrisé. Je passe deux jours à Minca, un petit village perché dans la montagne de la Sierra Nevada. Fraîcheur, nature luxuriante, simplicité d’un petit village, et vue sublime sur Santa Marta et la mer. Je visite une plantation de café bio datant de 120 ans (même les machines !) en altitude, marche vers de jolies cascades, me balade le long de la rivière dans le village pour profiter de son ambiance, et rencontre des locaux ou des voyageurs. Un soir je dîne avec un flic, en service sur le carrefour devant le petit resto, je le charrie en lui disant qu’il ne doit pas avoir grand-chose à faire. Je discute avec un couple d’américains et leur témoigne mon admiration devant leur façon de voyager (seulement trois pays en neuf mois !). Je me fais des frayeurs en rentrant de nuit, les câbles électriques se touchant à cause du vent puissant qui souffle (la queue de l’ouragan qui touchera NY peu de temps après) et crée des étincelles au-dessus de ma tête. Je passe un dîner sympa avec quelques américains, écumant les sujets politiques sensibles face à la vue grandiose sur les lumières de Santa Marta.





Je passe aussi trois jours dans le célèbre et sublime parc Tayrona (à suivre dans un prochain message).

En rentrant à Taganga je rencontre Kilian et Jule, un jeune couple allemand très sympa qui étudie l’éventualité de reprendre l’hostal en location. Mais ils prennent leur temps et veulent bien cerner Taganga et le business avant de s’engager, très sage décision.

Finalement les choses s’accélèrent, la névrosée m’annonce qu’elle ne peut pas m’employer (en guise de période d’essai pré-investissement) faute d’argent, alors que j’ai déjà commencé à travailler et qu’elle en avait accepté le principe avant même que je quitte la France. Elle m’avait d’ailleurs orienté vers l’hôtel alors que j’étais intéressé par l’hostal, et m’avait caché avant que j’arrive ses problèmes conjugaux qui pesaient judiciairement sur l’hostal.

Je m’empresse de tout raconter au couple allemand pour qu’ils ne prennent pas la mauvaise décision, je ne fais que leur confirmer ce qu’ils sentaient déjà. Une soirée à boire des bières jusque très tard pour échanger nos informations sur elle nous pousse à deux conclusions évidentes !
- elle est shootée à la coke
- elle est rendue encore plus nerveuse pour ses problèmes d’argent, et la proposition de location de l’hostal semble être une arnaque.

Bref je quitte les lieux dès le lendemain, Kilian et Jule aussi. Je les retrouve dans un splendide hostal à Santa Marta, après être resté un jour de plus à Taganga pour faire de la plongée (une des rares bonnes choses de ce village). Je suis de nouveau prêt à écumer la région en attendant de trouver une autre opportunité ici ou ailleurs !

L’ironie de l’histoire est que j’allais m’installer à Taganga alors que c’est le seul endroit de Colombie qui ne m’ait pas plu. Taganga pourrait être un paradis, et c’est juste pourri !

Allez, j’ai appris quelque chose et j’ai gagné deux amis ! C’est déjà ça non ?
Ah et aussi quelques belles photos de coucher de soleil depuis les hauteurs de Taganga, si si je les compte dans le bilan !






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7 commentaires:

  1. La derniere photo donne bien envie d'y aller :-).

    Biz lyonnaises et bonne continuation !

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    1. il y a 3 ou 4 photos magnifiques à prendre à Taganga ... très trompeuses sur le reste !

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  2. Si ce n'est pas Taganga, ce sera ailleurs. Apparemment les endroits paradisiaques ne manquent pas! Géniale cette photo avec le type à moto qui passe sous les bambous !

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    1. oui il y a quelques autres choix sur la côte, il faut avoir le flair de trouver celui qui marchera dans les années à venir

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  3. François Samier le retour !
    Bon j'ai pas du tout lu les post précédents, mais ce qui est bien dans tes récits, c'est qu'on peut le prendre en cours de route et ne pas être perdu. Donc, bon courage pour ta recherche... Et c'est bien de suivre sa destinée : elle nous guide souvent du bon côté ! Bises

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    1. François Samier le retour inattendu !
      L'ex-plusfidèlecommentateur de mon blog a retrouvé ses réflexes !
      Pour l'instant la recherche consiste à inspecter les plages et à tester les hamacs, pas trop dur !
      Bises

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  4. Déçu que ça ait foiré ce plan !
    Content que tu prennes ça bien !
    Impatient de lire la suite !

    Julien (de Manu et Julien)
    PS : C'est efficace les teasers d'un récit à l'autre ;-)

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