Santa Marta est une
des grandes villes de la Colombie, sur la côte caribéenne, et Taganga est un
petit village juste à côté, derrière un petit bout de montagne et au fond d’une
baie. C’est même officieusement considéré comme un quartier de Santa Marta
tellement c’est proche.
Santa Marta est la
ville coloniale la plus ancienne de Colombie, puisque les Espagnols commencèrent
ici même leur invasion. C’est une ville hautement touristique surtout pour ses
environs. Et Taganga a développé son propre créneau de petit village « exotique »
(j’insiste sur les guillemets).
Pourquoi je vais à
Taganga ? Parce que je suis en contact depuis le mois de juin (à peine
rentré de mes seize mois argentins-chiliens-boliviens) avec la propriétaire
française d’un petit hôtel et d’un hostal* à Taganga. Elle cherche un
co-associé qui officierait aussi comme manager d’une de ces deux structures.
Après de nombreux échanges par email, elle me propose d’être manager pendant un
an, le temps de me faire une idée du business et d’être sûr que je suis prêt à
m’installer à long terme à Taganga. Je n’imagine pas encore à quel point ce second
point est important.
*Hostal est le mot espagnol pour auberge
de jeunesse, hostel est le mot anglais. Et c’est surtout un concept plus
moderne que la notion vieillotte d’auberge de jeunesse.
Après avoir traversé
un quartier terriblement crasseux et miséreux, comme j’en ai rarement vu malgré
mes 22 mois de vadrouille latino à l’actif, le mini-bus grimpe la petite
montagne, passe le petit col, et je découvre le village de Taganga niché au
fond de l’étroite, profonde et verdoyante baie. Au premier coup d’œil un petit
paradis. Descendu du bus, je marche vers l’hôtel, et je peux difficilement
éviter de voir les rues en terre littéralement défoncées et pleines d’ordures.
Ce que j’avais commencé à discerner, malgré la beauté fulgurante du centre de
Carthagène, paraît exacerbé à Taganga : la côte caribéenne de la Colombie
est différente du reste du pays. Plus pauvre, plus laxiste, plus touchée par
les maux habituels de l’Amérique Latine dont la corruption. Le contraste est
particulièrement fort avec Medellin, connue pour l’efficacité et l’énergie de
sa population malgré son historique de violence.
Les maux de la côte
sont frappants à Taganga : les rues sont dans un état sidérant, les
maisons reflètent la pauvreté, les habitants respirent le laxisme et le total
manque de volonté d’améliorer quoique ce soit. Des allures de bidonville dont
la population s’accommode apparemment bien, avec quelques ilots de confort que
sont les hostals. Taganga n’a pas été créée par le tourisme, c’est un village
de pêcheurs qui a en quelque sorte été pris par surprise par le développement
touristique.
Aujourd’hui les pêcheurs sont toujours là, envahis par les jeunes backpackers
venus profiter de la plongée pas chère, de l’ambiance de fête, et de la drogue présente
à profusion. Conséquence, une ambiance malsaine et même de l’insécurité la nuit,
alors que c’est un village et que tous les locaux se connaissent ! Le soir
je ne peux descendre de l’hostal à la plage que par une rue, par les autres j’ai
un risque certain d’être attaqué. Par un ou des types que tous les locaux
connaissent mais protègent. Peut-être par esprit de corps contre ces jeunes
occidentaux fêtards, désinvoltes et friqués. A ce que j’ai entendu il y a une
certaine jalousie, compréhensible, vis-à-vis de ces jeunes gringos, mais aussi le
sentiment que ce n’est pas bien grave de les dépouiller, vu leur comportement
et leur richesse (relative).
La première semaine
que je passe est bien peu active, entre repos forcé à cause de mon ongle
arraché, et conversations multiples mais stériles avec la personne la plus névrosée
que j’aie jamais rencontré, qui commence une phrase sur un sujet et la termine
sur un autre sujet, n’écoute pas grand-chose de ce que je lui dis, et ne répond
pas aux questions que je lui pose même quand je la pose 3 fois en 10 secondes. Qui
trépigne sur place quand elle répond à la question banale d’un client, se prend
la tête dans les mains et répète : « Je dois parler moins et me concentrer,
me mettre au travail. » (tout en trépignant et en imprégnant les gens de
son stress, sans raison immédiatement apparente). Malgré cela on progresse
vaguement vers l’idée d’une collaboration, dont je me demande si c’est vraiment
une bonne idée, mais sans jamais régler aucune question concrète importante
puisque chaque moment passé à discuter échoue systématiquement et
lamentablement dans une profusion de sujets peu importants. Je me balade un peu
dans Taganga, essayant de me projeter dans une vie ici, ne serait-ce que pour
un an.
La deuxième semaine
est plus active, l’orteil ayant enfin cicatrisé. Je passe deux jours à Minca,
un petit village perché dans la montagne de la Sierra Nevada. Fraîcheur, nature
luxuriante, simplicité d’un petit village, et vue sublime sur Santa Marta et la
mer. Je visite une plantation de café bio datant de 120 ans (même les machines !)
en altitude, marche vers de jolies cascades, me balade le long de la rivière dans
le village pour profiter de son ambiance, et rencontre des locaux ou des
voyageurs. Un soir je dîne avec un flic, en service sur le carrefour devant le
petit resto, je le charrie en lui disant qu’il ne doit pas avoir grand-chose à
faire. Je discute avec un couple d’américains et leur témoigne mon admiration
devant leur façon de voyager (seulement trois pays en neuf mois !). Je me
fais des frayeurs en rentrant de nuit, les câbles électriques se touchant à cause
du vent puissant qui souffle (la queue de l’ouragan qui touchera NY peu de
temps après) et crée des étincelles au-dessus de ma tête. Je passe un dîner
sympa avec quelques américains, écumant les sujets politiques sensibles face à
la vue grandiose sur les lumières de Santa Marta.
Je passe aussi trois
jours dans le célèbre et sublime parc Tayrona (à suivre dans un prochain
message).
En rentrant à Taganga
je rencontre Kilian et Jule, un jeune couple allemand très sympa qui étudie l’éventualité
de reprendre l’hostal en location. Mais ils prennent leur temps et veulent bien
cerner Taganga et le business avant de s’engager, très sage décision.
Finalement les choses
s’accélèrent, la névrosée m’annonce qu’elle ne peut pas m’employer (en guise de
période d’essai pré-investissement) faute d’argent, alors que j’ai déjà
commencé à travailler et qu’elle en avait accepté le principe avant même que je
quitte la France. Elle m’avait d’ailleurs orienté vers l’hôtel alors que j’étais
intéressé par l’hostal, et m’avait caché avant que j’arrive ses problèmes
conjugaux qui pesaient judiciairement sur l’hostal.
Je m’empresse de tout
raconter au couple allemand pour qu’ils ne prennent pas la mauvaise décision,
je ne fais que leur confirmer ce qu’ils sentaient déjà. Une soirée à boire des
bières jusque très tard pour échanger nos informations sur elle nous pousse à
deux conclusions évidentes !
- elle est shootée à la coke
- elle est rendue encore plus nerveuse pour ses
problèmes d’argent, et la proposition de location de l’hostal semble être une
arnaque.
Bref je quitte les
lieux dès le lendemain, Kilian et Jule aussi. Je les retrouve dans un splendide
hostal à Santa Marta, après être resté un jour de plus à Taganga pour faire de
la plongée (une des rares bonnes choses de ce village). Je suis de nouveau prêt
à écumer la région en attendant de trouver une autre opportunité ici ou
ailleurs !
L’ironie de l’histoire
est que j’allais m’installer à Taganga alors que c’est le seul endroit de
Colombie qui ne m’ait pas plu. Taganga pourrait être un paradis, et c’est juste
pourri !
Allez, j’ai appris
quelque chose et j’ai gagné deux amis ! C’est déjà ça non ?
Ah et aussi quelques belles
photos de coucher de soleil depuis les hauteurs de Taganga, si si je les compte
dans le bilan !
.
La derniere photo donne bien envie d'y aller :-).
RépondreSupprimerBiz lyonnaises et bonne continuation !
il y a 3 ou 4 photos magnifiques à prendre à Taganga ... très trompeuses sur le reste !
SupprimerSi ce n'est pas Taganga, ce sera ailleurs. Apparemment les endroits paradisiaques ne manquent pas! Géniale cette photo avec le type à moto qui passe sous les bambous !
RépondreSupprimeroui il y a quelques autres choix sur la côte, il faut avoir le flair de trouver celui qui marchera dans les années à venir
SupprimerFrançois Samier le retour !
RépondreSupprimerBon j'ai pas du tout lu les post précédents, mais ce qui est bien dans tes récits, c'est qu'on peut le prendre en cours de route et ne pas être perdu. Donc, bon courage pour ta recherche... Et c'est bien de suivre sa destinée : elle nous guide souvent du bon côté ! Bises
François Samier le retour inattendu !
SupprimerL'ex-plusfidèlecommentateur de mon blog a retrouvé ses réflexes !
Pour l'instant la recherche consiste à inspecter les plages et à tester les hamacs, pas trop dur !
Bises
Déçu que ça ait foiré ce plan !
RépondreSupprimerContent que tu prennes ça bien !
Impatient de lire la suite !
Julien (de Manu et Julien)
PS : C'est efficace les teasers d'un récit à l'autre ;-)